La diversité culturelle est un défi quotidien pour l’administration publique, en particulier au sein de l’Union européenne, où les fonctionnaires sont parfois confrontés à des individus aux valeurs, pratiques et codes très différents des leurs. Que ce soit au sein d’une organisation ou d’échanges avec d’autres institutions et pays, tout individu évolue dans un contexte interculturel, ce qui peut non seulement enrichir ses pratiques, mais également générer des tensions. Face à ces défis, le développement des compétences interculturelles est essentiel pour garantir l’égalité, valoriser la diversité et promouvoir une coopération efficace au service de l’intérêt général.
Ainsi, comment les administrations publiques peuvent-elles surmonter les barrières culturelles et développer des environnements de travail interculturels efficaces ? Quelles stratégies permettent de développer les compétences interculturelles au travail ? Dans cette série d’articles de blog, nous explorons les principaux défis des relations interculturelles, soulignons leur impact sur les organisations publiques et partageons des stratégies pratiques pour améliorer la communication, la compréhension mutuelle et la collaboration dans un environnement interculturel.
Image générée par Napkin.ai par Paul Courtois
- Les principaux aspects de l’interaction interculturelle
1.1 Cultures, individus et interactions
Une culture consiste en un ensemble de normes, de valeurs, de croyances et de comportements partagés au sein d’un groupe social. L’identité culturelle de chaque individu est complexe et façonnée par divers facteurs tels que la nationalité, l’appartenance ethnique, la religion, le statut socio-économique et la profession. Les individus sont souvent influencés par plusieurs cultures simultanément, ce qui se traduit par des identités uniques et diverses. L’interaction interculturelle se produit lorsque des individus ayant vécus des expériences culturelles différentes entrent en contact les uns avec les autres. Dès lors, des défis en termes de communication et de compréhension peuvent apparaître puisque les individus partageant des expériences culturelles similaires ont tendance à se comprendre plus facilement entre eux qu’entre deux individus ayant vécus des expériences culturelles radicalement différentes.
1.2 L’impact des interactions interculturelles dans différents domaines
La diplomatie, les relations internationales, le monde des affaires et le monde universitaire dépendent tous fortement de la qualité de leurs interactions interculturelles. Effectivement, les représentants nationaux, les gestionnaires d’équipe et les universitaires sont régulièrement en contact avec des personnes d’origines culturelles diverses et doivent prêter une grande attention aux nuances culturelles. Par exemple, les protocoles diplomatiques sont façonnés par des éléments propres à chaque culture, tels que la politesse, les gestes et les rituels, qui influencent la qualité des échanges internationaux. Dans le monde des affaires, la mondialisation et l’internationalisation des salariés des entreprises rendent la compréhension interculturelle essentielle pour les gestionnaires d’équipe qui cherchent à améliorer la collaboration, la productivité et la satisfaction au travail. Et cela semble utile : certaines études montrent que les organisations qui accordent la priorité à la diversité et à la communication ouverte obtiennent souvent des performances supérieures. De même, le monde universitaire se nourrit de partenariats internationaux, d’échanges d’étudiants et de chercheurs du monde entier, ce qui permet non seulement d’élargir les perspectives théoriques et pratiques, mais aussi de cultiver des compétences interculturelles cruciales pour les futurs professionnels.
Exemple pour illustrer une interaction interculturelle
Pour illustrer ces défis et ces opportunités, nous utiliserons une étude de cas fictive tout au long de cet article. Il est important de noter que les interactions interculturelles sont complexes et vont au-delà des stéréotypes nationaux. Cet exemple met en évidence les défis potentiels dans un contexte décisionnel européen, afin d’encourager une réflexion nuancée sur la communication interculturelle, tout en évitant les généralisations hâtives.
Dans le cadre d’un projet de transition numérique à la Commission européenne, deux fonctionnaires – Clara la coordinatrice du projet de la DG CONNECT et Arthur l’expert en cybersécurité de l’ENISA – ont été invités à travailler ensemble sur ce projet. Ils viennent de deux États membres différents. Clara est juriste de formation et Arthur est ingénieur. Ils doivent définir ensemble l’élaboration d’un plan de formation transfrontalier. Il apparaît rapidement qu’ils ont des idées différentes sur les modalités opérationnelles de gestion du projet et sur la planification des délais de mise en œuvre. Plusieurs tensions apparaissent :
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- Les défis des interactions interculturelles au quotidien
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L’ethnocentrisme, c’est-à-dire la tendance à considérer sa propre culture comme la référence, peut créer des difficultés considérables dans l‘environnement de travail. Il favorise un sentiment de supériorité culturelle qui engendre des tensions et des conflits, et impacte le respect mutuel et la coopération. Cet état d’esprit rend également difficile l’appréciation et la valorisation de la diversité culturelle, limitant en fin de compte la créativité et l’innovation en négligeant les perspectives et les contributions uniques que peuvent offrir des individus d’origines différentes.
Clara considère que sa méthodologie (processus linéaire, réunions structurées) est « conforme aux normes du règlement intérieur européen ». Elle considère les propositions alternatives de son collègue comme « non-conformes aux bonnes pratiques », sans toutefois les évaluer en ce qui concerne leur pertinence opérationnelle (biais de catégorisation). |
Les stéréotypes et les préjugés constituent des défis majeurs sur le lieu de travail, car les stéréotypes impliquent des croyances simplifiées, parfois jusqu’à l’exagération, sur les groupes, tandis que les préjugés se réfèrent à la formation d’opinions sans connaissance personnelle. Ces perceptions biaisées peuvent conduire à des malentendus qui nuisent à la confiance et au travail d’équipe, ainsi qu’à des discriminations, entraînant des inégalités et de l’exclusion.
Clara pense que « les personnes adoptant une approche similaire à celle d’Arthur sont généralement trop flexibles et ne respectent pas les procédures » (un stéréotype généré par sa perception de la gestion de crise lors de COVID-19). Arthur pense que « les personnes ayant une formation similaires à celle de Clara sont généralement rigides et peu réactives » (un préjugé hérité de ses précédentes négociations budgétaires avec le département des finances). Ces perceptions réduisent la confiance mutuelle. |
Les différences de valeurs et de croyances peuvent créer des conflits dans les interactions interculturelles sur le lieu de travail, car des normes éthiques différentes signifient que des pratiques considérées comme acceptables dans une culture peuvent être considérées problématiques dans une autre, ce qui peut entraîner des tensions dans la prise de décision et les opérations quotidiennes. Des visions du monde divergentes, telles que celles d’individus issus de cultures individualistes – qui donnent la priorité aux besoins personnels – et celles d’individus issus de cultures collectivistes – qui mettent l’accent sur le bien-être du groupe – peuvent rendre difficile la recherche d’un terrain d’entente. En outre, les différences religieuses ou spirituelles, y compris les fêtes et les restrictions alimentaires, peuvent nécessiter des aménagements spéciaux pour garantir un environnement de travail inclusif et respectueux pour tous.
Culture de Clara | Culture d’Arthur |
Primauté de la planification écrite en amont | Communication orale et planification en temps réel |
Respect strict de la hiérarchie | Préférence pour les solutions rapides via des réseaux informels |
Impact : Arthur contourne les voies officielles pour accélérer une décision, ce qui provoque un conflit de procédure en raison des différences de style de management. |
La dynamique interpersonnelle joue un rôle crucial dans l’élaboration des interactions interculturelles. Elle est profondément influencée par les normes culturelles, notamment en ce qui concerne la définition portant « le moment » pour interagir ainsi que sur la distance physique à entretenir avec l’interlocuteur. Dans certaines cultures, il est essentiel de mêler les relations professionnelles et personnelles pour instaurer la confiance : les interactions sociales en dehors du lieu de travail y sont considérées comme un moyen de renforcer les liens professionnels. À l’inverse, d’autres cultures préfèrent séparer ces deux sphères, considérant même que des interactions personnelles répétées peuvent être dérangeantes, voire inappropriées. Les préférences en matière d’espace personnel peuvent également varier considérablement : alors que la proximité physique au cours d’une conversation peut être interprétée comme un geste de confiance par certaines personnes, d’autres peuvent apprécier une distance plus grande lors d’une interaction, l’associant à leur conception du respect de la personne et à une forme de professionnalisme. Comprendre et s’adapter à ces nuances dans les dynamiques interpersonnelles est essentiel pour favoriser une communication interculturelle efficace et respectueuse.
Lors de leurs interactions, Clara adopte une posture statique et un contact visuel prolongé (perçus comme « intimidants » par son homologue), tandis qu’Arthur se positionne proche de la personne de Clara et est particulièrement expressif dans ses mouvements (perçus comme « intrusifs » par son homologue). Ces différences créent un malaise lors des séances de remue-méninges. |
Les obstacles à la communication dans les contextes interculturels peuvent considérablement affecter les interactions, car les individus interprètent la réalité à travers leurs propres perspectives culturelles, ce qui conduit souvent à des malentendus dus à des croyances et à des valeurs différentes. La communication verbale est également un défi, car les nuances linguistiques, les expressions idiomatiques et l’humour peuvent facilement être mal interprétés, même entre personnes parlant la même langue. Cela nuit à l’efficacité des échanges. Par ailleurs, les éléments non-verbaux tels que le ton, les gestes, les expressions faciales et le contact visuel peuvent avoir des significations très différentes d’une culture à l’autre. Par exemple, un comportement considéré comme assertif ou respectueux dans une culture peut être perçu comme agressif ou impoli dans une autre.
Un malentendu s’est produit à propos du terme « haute priorité » dans un e-mail.
Conséquence : retard dans l’approbation d’un budget critique en raison d’une différence d’interprétation linguistique. |
Les styles de communication varient considérablement d’une culture à l’autre, ce qui entraîne souvent des difficultés de compréhension et de collaboration. Dans les cultures à haut contexte, la communication est implicite et repose fortement sur les relations et la compréhension mutuelle, tandis que les cultures à bas contexte privilégient les messages directs et explicites. L’expression des émotions diffère également : certaines cultures encouragent une expression émotionnelle ouverte, tandis que d’autres valorisent la retenue et le sang-froid. Les normes relatives à la politesse peuvent également diverger de manière significative ; alors que les titres formels et les adresses respectueuses sont essentiels dans certaines cultures, une approche plus informelle est typique dans d’autres.
Les pratiques de gestion du temps varient considérablement d’une culture à l’autre, ce qui influence la dynamique du lieu de travail. Dans certaines cultures, la ponctualité stricte est considérée comme un signe de respect et de professionnalisme, alors que dans d’autres, une approche plus souple du temps, où les retards sont acceptables, est la norme. Il est donc important d’ajuster les attentes pour éviter les malentendus. De plus, les méthodes d’organisation du travail diffèrent : certaines cultures privilégient des horaires de travail précis et des réunions structurées, tandis que d’autres préfèrent une plus grande flexibilité dans la gestion des heures de travail, de la durée des réunions et des pauses.
Clara pense que « le temps, c’est de l’argent » : elle privilégie les calendriers fixes et le respect des agendas. Arthur pense que « le temps est fluide » : flexibilité du processus de prise de décision en fonction des besoins relationnels. Conflit : Arthur demande un report de dernière minute pour intégrer des données de terrain, ce que Clara perçoit comme un « manque de professionnalisme ». |
Le terme de « choc culturel » fait référence au stress et à la désorientation que les individus ressentent souvent lorsqu’ils sont confrontés à de nouvelles normes culturelles, par exemple lorsqu’ils déménagent à l’étranger ou qu’ils s’adaptent à une nouvelle culture. Cette adaptation peut entraîner des sentiments de frustration, d’isolement, d’irritabilité, voire d’hostilité à l’égard de la culture inconnue, qui peuvent tous avoir un impact négatif sur le bien-être et les performances professionnelles. L’adaptation aux nouvelles normes sociales, aux nouveaux styles de communication et aux nouvelles attentes en matière de politesse peut donner lieu à de fréquents malentendus, tandis que les barrières linguistiques peuvent compliquer davantage l’intégration en rendant plus difficile l’établissement de relations interpersonnelles et le processus d’adaptation au nouvel environnement.
Après quatre mois de collaboration :
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En conclusion …
L’ethnocentrisme, les stéréotypes et les préjugés peuvent considérablement entraver la coopération, le respect mutuel et l’inclusion dans des environnements divers. Les différences de valeurs, de croyances et de styles de communication sont souvent à l’origine de malentendus et de conflits, tandis que des attitudes différentes en matière de gestion du temps et de l’espace personnel peuvent perturber davantage la collaboration entre deux individus.
Néanmoins, les interactions interculturelles peuvent être une source précieuse d’informations pour ceux qui savent les aborder avec une ouverture d’esprit et une certaine capacité d’adaptation. Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, la capacité à appréhender les différences culturelles et à les gérer efficacement est devenue une compétence essentielle. En reconnaissant et en appréciant ces différences, les administrations publiques et les entreprises peuvent non seulement surmonter plus efficacement les obstacles potentiels, mais aussi transformer les défis en opportunités de croissance, d’innovation et de collaboration.
Dans le prochain article, nous explorerons cinq stratégies pour vous aider à surmonter les défis quotidiens de l’interaction interculturelle.
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